Photo : Vulcano - Îles Éoliennes - Sicile

Résidence de recherche KAOLIN en Sicile

Du 8 au 31 mai, la résidence de recherche Kaolin est en voyage d’étude en Sicile.

Hubert DUPRAT, artiste invité de la résidence de recherche Kaolin convie les chercheurs investis dans le champ de la céramique à replonger dans les origines de la matière, celle qui s’extrait du fond de la terre et qui reste à transformer. Si elle nous attache à une histoire ancestrale, elle trouve également sa place dans l’expression d’aujourd’hui. C’est cette quête que les 5 résidents sélectionnés pour ce nouveau programme peuvent mener avec Hubert Duprat.

Voyage avec les résidents : Gauthier ANDRIEUX-CHERADAMEEnzo BOSSEÉlise GRENOISAméliane JOUVESacha PARENT et Martin Bourdanove, artiste, enseignant à l’ENSAD Limoges et coordinateur de la résidence Kaolin.

Nous gagnons Éolie, où le fils d’Hippotés, cher aux dieux immortels, Éole, a sa demeure. C’est une île qui flotte : une côte de bronze, infrangible muraille, l’encercle tout entière ; une roche polie en pointe vers le ciel. Éole en son manoir nourrit ses douze enfants, six filles et six fils qui sont à l’âge d’hommes : pour femmes, à ses fils il a donné ses filles et tous, près de leur père et de leur digne mère, vivent à banqueter ; leurs tables sont chargées de douceurs innombrables ; tout le jour, la maison, dans le fumet des graisses, retentit de leurs voix ; la nuit, chacun s’en va, près de sa chaste épouse, dormir sur les tapis de son cadre ajouré … Nous montons vers le bourg, jusqu’à leur beau manoir. Éole, tout un mois, me traite et m’interroge, car il veut tout connaître, la prise d’Ilion, la flotte et le retour des Achéens d’Argos, et moi, de bout en bout, point par point, je raconte. Quand, voulant repartir, à mon tour je le prie de me remettre en route, il a même obligeance à me rapatrier. Il écorche un taureau de neuf ans ; dans la peau, il coud toutes les aires des vents impétueux, Car le fils de Cronos l’en a fait régisseur : à son plaisir, il les excite ou les apaise. Il me donne ce sac, dont la tresse d’argent luisante ne laissait passer aucune brise ; il s’en vient l’attacher au creux de mon navire ; puis il me fait souffler l’haleine d’un zéphyr, qui doit, gens et vaisseaux, nous porter au logis… Hélas ! avant le terme, la folie de mes gens allait nous perdre encore.

Durant neuf jours, neuf nuits, nous voguons sans relâche. Voici que, le dixième apparaissaient enfin les champs de la patrie ; nous en étions si près qu’on en voyait les feux et les hommes autour. Mais il me vient un doux sommeil ; j’étais brisé : c’était moi qui, toujours, avais tenu l’écoute, sans jamais la céder à quelqu’un de mes gens ; j’avais un tel désir d’arriver au pays !… Mon équipage alors se met à discourir : ce que j’ai dans ce sac, -pensent-ils, – les cadeaux de ce fils d’Hippotés, de ce grand cœur d’Éole, c’est de l’or, de l’argent ! Se tournant l’un vers l’autre, ils se disent entre eux : LE CHOEUR. – Misère ! en voilà un que, toujours et partout, on aime et l’on respecte, en quelque ville et terre qu’il puisse bien aller ! Il ramenait déjà de Troie sa belle charge de butin précieux, alors que nous, au bout de ce même voyage, n’avions pour revenir au logis que mains vides… Et voyez ce qu’il vient de recevoir encore, pour avoir su gagner le cœur de cet Éole!… Allons, vite ! il faut voir ce que sont ces cadeaux. 

Sitôt dit, on se range à cet avis funeste. Le sac est délié : tous les vents s’en échappent, et soudain la rafale entraine mes vaisseaux et les ramène au large ; mes gens en pleurs voyaient s’éloigner la patrie !… 

Moi, je m’éveille alors et mon cœur sans reproche ne sait que décider : me jeter du vaisseau, chercher la mort en mer, ou pâtir en silence et conserver la vie ? … 

Ma foi, je tins le coup : roulé dans mon manteau, je m’étendis à bord, tandis que, ramenés par ce vent de malheur jusqu’en l’ile d’Éole, mes gens se lamentaient.

On arrive ; on débarque ; on va puiser de l’eau et, sans tarder, mes gens se mettent au repas sous le flanc des croiseurs.

Quand on a satisfait la soif et l’appétit, je pars, accompagné d’un héraut et d’un homme, pour monter chez Éole. En son manoir fameux, je le trouve au festin, lui, sa femme et ses fils.

Nous entrons au logis ; mais nous restons au seuil, assis dans l’embrasure. Leurs cœurs sont étonnés ; c’est moi qu’ils interrogent : 

LE CHOEUR. – Ulysse ! … te voilà revenu ? et comment ? quelle divinité méchante te poursuit ? Nous t’avions renvoyé en prenant tous les soins pour que te soient rendus ta patrie, ta maison et tout ce qui t’est cher … 

Ils disaient. Je réponds, le cœur plein de détresse : 

Ulysse. – Le désastre me vint d’un méchant équipage, mais aussi, et surtout, d’un sommeil malheureux. Amis, secourez-moi ; je sais votre pouvoir.

Je disais, essayant des plus douces paroles ; mais ils restaient muets. Leur père me répond :

Éole. – Décampe de mon île, ô le rebut des êtres ! … car je n’ai plus le droit de t’accorder mes soins, ni de te reconduire : un homme que les dieux fortunés ont en haine ! … Décampe ! … tu reviens sous le courroux des dieux !

Il dit et me renvoie, malgré mes lourds sanglots.

Homère, L’Odyssée – Chant X, traduction Victor Bérard, 1931

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